Une histoire de physique… et des croyances limitantes qui nous habitent

Par Coach Virginie

Mon jeune fils est passionné de physique ; il aspire d’ailleurs à être astrophysicien. Son regard s’allume quand il me parle des atomes, de l’énergie pure, des photons, d’électro-magnétisme et j’en passe. Je suis admirative devant sa passion, devant son enthousiasme… surtout que moi, du haut de ma quarantaine avancée, je n’y connais rien. Nada. Niet. En fait, je me traîne une petite honte d’être aussi ignorante sur le sujet depuis de nombreuses années.

C’est un syndrome de l’imposture qui me colle à la peau : « Je suis une nullité en physique ». Un aveu que je n’ai fait à personne… avant de le faire récemment à mon fils. Sa réaction ?

- « Maman, t’inquiètes pas, moi je vais te donner des cours de physique et tu vas voir, tu vas tout comprendre.»

 J’aurais pu pleurer devant tant de bonté et d’acceptation suite à mon aveu. Son élan généreux de m’offrir des cours privés en physique a ouvert chez moi une vraie réflexion sur la honte que j’avais vécue pendant toutes ces années. Une honte liée à des croyances limitantes.

J’ai envie aujourd’hui de vous partager tout cela, dans l’espoir que cette histoire éveille chez vous aussi une réflexion sur les croyances limitantes qui vous habitent.

Plus que de la honte, nommons-le franchement, je pense aujourd’hui que ma croyance limitante prend sa source dans un vrai traumatisme, non digéré, qui face au mot même de « physique » continue de créer chez moi une boule d’angoisse.

La source de ce traumatisme ? L’abus d’autorité. Celui de ma tout première professeure de physique-chimie qui me terrorisait, purement et simplement, lorsque j’étais au collège, en France dans les années 1980. Une femme revêche qui avait la réputation de péter les boulons quand quelque chose n’était pas fait selon les règles de l’art dans son laboratoire. Ce qu’elle devait percevoir comme de la « discipline » n’était tout bonnement que de la violence morale exercée sur ses pupilles. Ses explosions, la cruauté dans son regard chafouin : Je ne me rappelle que de ça. Pas des cours de physique. Deux yeux plissés scrutant la salle en quête d’une victime sur laquelle jeter son dévolu. Mon intestin qui se tord. Une nausée qui monte. Le dégoût qui accompagne inévitablement la peur.

Quand mon fils m’a demandé pourquoi mon cerveau était incapable de se rappeler ce qui touchait à la matière, une image m’est apparue.

-              « Tu connais les trois attitudes d’un petit animal face à un prédateur quand il ressent de la peur ? »

-              « Oui… il peut aller se cacher… »

-              « Tout à fait, s’enfuir… mais moi, je ne pouvais pas, j’étais coincée dans la salle de classe. »

-              « Il peut aussi se battre… »

-              « C’est vrai… mais il y avait des grosses punitions, comme les ‘heures de colle’, se plaindre aux parents et tout ce qui reste consigné dans le ‘Carnet de correspondance’… j’avais très peur de ces conséquences. Et la troisième possibilité ? »

-              « Hmmmm, je ne suis pas sûr… »

-              « Ok. Et bien, pense à l’opossum. »

-              « Être figé ? Faire le mort ? »

-              « Exactement. Faire comme si je n’existais pas. Pour que le prédateur ne me remarque pas. Mais quand on fait le mort, pour être bien convaincant, on ne bouge vraiment pas. Rien ne peut transparaitre. Aucune vivacité dans le regard. Et dans mon cas, je ne faisais entrer aucune information intelligente dans mon cerveau. Je l’avais mis sur « off ». J’étais pétrifiée et je ne me souviens de rien. À part de la peur que je ressentais. »

Mon fils m’écouta un moment sans rien ajouter. Il me regardait intensément en hochant la tête. Le signe qu’il avait compris. Ou qu’il était finalement parvenu à imaginer sa mère comme un opossum. Puis, il me dit :

-              « Moi, je crois que j’aurais choisi de me battre. Enfin, j’aurais enfreint les règles d’une manière. J’aurais tout dit à mes parents en sortant de l’école. »

Sa réponse me fait chaud au cœur. « Tout dire à ses parents ». Il sait que je ne tolérerai jamais un abus d’autorité sur sa personne. Que je serais prête à me battre becs et ongles pour lui, même si je ne l’ai pas fait pour moi-même étant enfant. Je reste pensive un instant. Je pense à mes propres parents. Je pense au fait qu’à l’époque, en France, dans les années 80, dans la société en générale et encore plus dans le milieu de l’éducation, la voix des enfants n’est pas toujours prise au sérieux ou elle ne pèse pas beaucoup. Je n’en veux pas à mes parents. Je pense leur avoir dit combien j’avais peur. Mais n’ont-ils eux-mêmes pas été terrorisés par leurs professeurs d’école ? Ceux-là même qui donnaient des coups de règle sur les doigts ? Je me rappelle les nombreuses histoires qu’ils m’ont racontés. Les injustices. Les abus. Peut-être l’attitude de la prof de physique-chimie ne les étonnait pas vraiment. Logique avec l’air du temps, hélas. Peut-être leur semblait-elle « moins pire » que ce que je traversais ? Après tout, si ça s’arrête à des cris et à des énervements… Ils savaient que j’avais des résultats médiocres en physique-chimie. Mais ils ne m’ont jamais poussé dans la performance dans cette matière. Elle n’aime peut-être pas cela, elle ne peut pas être bonne dans tout. Et puis, ils sont passés à autre chose, m’invitant probablement à relativiser. À passer à autre chose moi aussi. Sauf que dans mon cerveau d’enfant, cet incident qui a eu lieu de manière répétitive sur plusieurs années - elle était la seule prof de physique-chimie du collège - a eu pour effet d’entamer ma confiance en moi durablement… Et plusieurs années plus tard, j’ai rencontré son doppelgänger dans un prof de français et de latin en classe prépa littéraire qui était adepte des humiliations publiques et doté d’un cynisme capable de pousser les étudiants dans le gouffre du désespoir. Mais ça, c’est une histoire d’abus pour une autre fois…  

Pourquoi vous partager mon histoire aujourd’hui ?

Et bien, parce que le syndrome de l’imposture que tant d’adultes se coltinent encore aujourd’hui et en observent les effets au travail, ce syndrome, il prend sa source dans ces moments décisifs de l’enfance, où on a besoin d’adopter certaines croyances - voire certaines postures, comme faire l’opossum - pour survivre. Croire par exemple que « je suis une nullité en physique » est nécessaire pour survivre à ces cours d’une violence mentale inouïe. C’est aussi nécessaire pour renforcer mon identité de « je suis une littéraire de toutes façons », aussi réductrice cette étiquette me semble-t-elle. Une identité qui façonne les choix de carrière plus axés sur les filières « soft » que je choisis par la suite… Lettres, sciences politiques, communications, sociologie, programmation neuro-linguistique, techniques de coaching… Une identité qui m’est propre et qui a clairement été impactée par les phrases que je me suis dites à un moment où j’avais cruellement besoin de les croire.

 

Alors aujourd’hui, je m’interroge : que se passerait-il si je décidais de reprogrammer cette croyance ? Si, à mon rythme et avec la curiosité d’une adulte bien entourée, je laissais une nouvelle relation s’installer entre moi et la physique ? Peut-être que ce ne serait pas pour rattraper le passé, mais pour honorer la passion de mon fils… et la petite fille en moi qui n’a jamais pu vraiment exister dans ce labo.

Et vous, quelles croyances anciennes portez-vous encore, forgées dans la peur, mais qui ne vous servent plus aujourd’hui ? Que deviendrait votre vie si vous les regardiez en face, avec douceur… et l’envie d’en écrire une autre version ?