JEU DE MAUX: Les ruminations

Le contexte

La série "Jeu de maux" continue avec deux textes autour d’une thématique qui garde littéralement mes coaché.es éveillé.es en plein milieu de la nuit: les ruminations !

Ma coach en écriture créative, Sonia-Sophie Courdeau, nous a lancé, dans notre Club des “Zenspirées”, un défi plutôt amusant le mois dernier: écrire un texte sur le thème “Du coq à l’âne”. Que ce soit sur le fond et/ou sur la forme, nous devions imaginer un texte qui pourrait n’avoir ni queue ni tête. Lorsque j’ai découvert cette thématique, j’ai tout de suite pensé aux ruminations nocturnes !

Bon nombre de mes coaché.es en souffrent, en proie à des questionnements, des doutes, et des peurs où elles/ils font et refont les scénarios de leur journée de travail ou de ce qu’elles/ils imaginent les attendre le lendemain au boulot !

Un bon sujet pour mettre des mots sur les maux, n’est-ce pas ?

J’ai voulu créer deux textes très différents: le premier, à travers la forme poétique, met l’emphase sur le désarroi créé par les ruminations, le deuxième montre l’empowerment et la rébellion face aux ruminations dans le genre plus structuré de la lettre (et du coup plus assertif !).

Je vous souhaite une belle lecture. J’ai hâte de recevoir vos commentaires et vos expériences !

Et vous, comment vivez-vous les ruminations ?

Les textes

Texte 1 - « Du coq à l’âne »

 

Charivari.

Ça joue à saute-mouton. 

Bourdon dans ma tête. 

Ça pue le décousu.

Une idée qui s’enfuit et m’entraine, 

Traitresse, 

Dans un torrent qui m’étire et m’essore.

 

Capharnaüm. 

Ça cogne dur. 

Sans queue ni tête.

Ça m’empêche de dormir.

Le battoir, inlassable, qui frappe 

L’eau sale,

Noire de mes pensées.

 

Tambour-battant.

Ça brasse là-dedans.

Impossible équanimité.

Ça se refait le film de la journée.

Sous peine de feutrer

Le fil ténu de mes pensées,

Ne pas agiter.

 

Tapage.

Ça se tend dans mon corps.

Marmotte écarquillée.

Ça sent l’aliénation.

Le point invisible que je fixe au plafond,

Orange mécanique,

Sur l’écran imaginaire de mes ruminations.

 

Virginie Mesana

 

Texte 2: Mise en demeure

Josette Enaraslebol                                                               Le 16 février 2022, à Ottawa

Salariée surmenée

Ottawa, Canada

 

                                                                                   À l’attention de Madame Rumination

                                                                                   Responsable « Me pourrir la vie »

                                                                                   Adresse : Mon cerveau

 

Lettre recommandée avec accusé de réception

Objet : Mise en demeure 

 

Madame,

En dépit des nombreux avertissements et des relances restées à ce jour infructueuses, je constate qu’en date de la présente, vous n’avez toujours pas quitté les lieux. Alors que votre bail est terminé depuis belle lurette, votre persistance à élire domicile dans mon cerveau est tout bonnement inadmissible. 

Je m’inquiète aussi de constater que vous prenez vos aises. Votre comportement est pour le moins choquant : vous vous étalez sans aucune pudeur ni considération pour moi ou pour ma paix d’esprit. Vos commentaires sont nourris par la peur, le doute, le jugement et la culpabilité. Ils démontrent un profond manque d’empathie et ne sont pas alignés avec nos valeurs. Vos voisins impuissants, Mme Pleine Conscience et Mr Relax Max, se sont d’ailleurs plaints à maintes reprises de votre tapage nocturne, bien après les heures règlementaires. Il n’est ainsi pas rare que le chaos de vos propos se fassent entendre vers 1h du matin. 

Je voudrais aussi vous rappeler que nous n’avons jamais conclu que votre droit de séjour soit d’une durée indéterminée. Il était plutôt entendu que votre séjour ne soit toléré que sur une base temporaire et à la condition que vous ne soyez pas trop bruyante. Mais voyez-vous, depuis six mois déjà, votre présence inopportune me coûte ma santé mentale. Le pompon a été quand vous avez décidé de vous inviter dans mon lit et de prendre complète possession de mon sommeil, faisant de mes nuits un long cauchemar.

Vous comprendrez que cette situation m’impose aujourd’hui de prendre les mesures nécessaires pour protéger mon cerveau. Je me vois ainsi dans l’obligation d’exiger votre expulsion sur le champ. Je vous souhaite de trouver une hôtesse moins regardante que moi et un lieu plus hospitalier où il fera bon squatter sans me pourrir l’existence.

Je vous prie, Madame, d’agréer l’expression de ma considération distinguée.

Josette Enraslebol